Critique: L'Inconnu Du Nord-Express

Publié le par superboubouge

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Un champion de tennis rencontre dans un train un inconnu qui lui propose un marché bien spécial : il supprime sa femme envahissante si celui-ci se charge d’éliminer son propre père afin d’obtenir son héritage. Le joueur de tennis, pensant avoir affaire à un fou, laisse passer le marché et finit par l’oublier. Quelque temps plus tard, sa femme est assassinée…

En 1951, Hitchcock se lance, à nouveau, dans un film noir et réalise une de ses œuvres majeures, L’Inconnu Du Nord Express fait certainement partie des sommets d’inventivité du maître du suspense avec une certaine sa fascination pour le monstrueux et la perversité des individus.

 

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La distribution pose un problème à Hitchcock qui souhaitait initialement que William Holden joue le rôle de Guy Haines. Ne pouvant l’engager, il s’est rabattu sur Farley Granger (La Corde, Senso, …), qu’il avait précédemment dirigé dans La Corde. Hitchcock aurait aimé qu’Anne Morton soit jouée par une actrice blonde. Il a été obligé d’accepter la brune Ruth Roman, que la Warner Bros, avait sous le contrat. Farley Granger interprète un bel homme, joueur de tennis renommé, sur le point d’épouser une belle femme issue de la haute société à condition d’obtenir le divorce d’une première épouse vulgaire et calculatrice. Il est embarqué dans une histoire, dont au début il ne porte pas d’intérêt, dans laquelle il doit tuer un homme contre le meurtre de sa femme. Interprétation très convaincante de l’acteur avec beaucoup d’intensité sur son visage et une excellente justesse. Le personnage qui est le symbole du film est, sans aucun doute, le très distingué Bruno Anthony. Il est incarnation du méchant d’Hitchcock : homme perturbé très lié à sa mère comme dans Les Enchaînés et Psychose. D’ailleurs le rôle annonce beaucoup celui de Bates dans Psychose. Le personnage homosexuel qu’incarne Robert Walker qui prend un plaisir fou à tuer des femmes et qui prend beaucoup soin de lui est lui aussi en lien avec celui que jouait Granger dans la corde. Robert Walker joue un rôle à contre emploi car il joue plutôt les rôles de jeune homme « bien sous tout rapport », mais Hitchcock l’a choisi aussi par ses déboires récents (troubles psychiques), ce qui renforcent l’interprétation car l’acteur semble habité par son personnage. Robert Walker, qui mourut peu de temps après la sortie du film, est tout simplement extraordinaire dans ce personnage qui prend un malin plaisir à jouer à des jeux dangereux et prêt à tout, même imaginer un échange de meurtres, pour tuer son père qu’il déteste. Incroyable de cruauté et de désirs, Robert Walker utilise une palette complète d’émotions pour en faire un des méchants les plus machiavéliques du cinéma. La femme du tennisman, présentée comme celle par qui le scandale arrive, est à l’exact opposé de cette froideur féminine qui parcourt les différents films d’Alfred Hitchcock. Laura Elliott est gouailleuse, manipulatrice, odieuse … une vraie garce. Dans le reste de la distribution, on retiendra la bonne performance de la fille du maître du suspens, Patricia Hitchcock  et celle de Ruth Roman en Anne Morton.

 

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Pour la réalisation, Sir Alfred Hitchcock (Les 39 Marches, Rebecca, Les Enchaînés, Fenêtre Sur Cour, Sueurs Froides, La Mort Aux Trousses, Psychose, …) instaure directement une histoire intelligente et originale dont lui seul a le secret. La première scène est admirable avec ses pieds, dans la gare, qui passe et repasse avant la rencontre entre les deux protagonistes qui va changer leur vie. Il nous donne le ton, nous embarquant à corps perdu dans un récit tortueux où sa fascination pour les êtres ambigus atteint des sommets. Hitchcock enchaîne les grandes scènes : le meurtre vu aux travers des lunettes, Bruno ne tournant pas la tête comme les autres spectateurs du match de tennis, le montage parallèle entre le match de tennis et Bruno cherchant à récupérer le briquet tombé dans une bouche d'égout, la scène finale sur le manège. Le suspens est haletant, l’ambiance très angoissante avec notamment un noir et blanc sublime avec de nombreux jeux de lumières assez incroyables. La tension du film est à son paroxysme quand Bruno Anthony étrangle la belle sœur d’Haines qui ressemble fortement à l’ex de ce dernier. La ressemblance entre ces personnages fait partie des fantasmes d’Hitchcock qu’on retrouve dans Vertigo.  La réalisation est percutante avec peu de temps morts liée au fait que ces deux hommes veulent en finir avec cette histoire. Hitchcock dresse alors un miroir entre les deux personnages qui sont totalement différents à tous points de vus, la scène finale est le symbole de cette opposition. Cette dernière est aussi un grand moment de cinéma avec cette confrontation malsaine sur un manège pour enfant, la réalisation est grandiose avec ses transparents très éclairés qui accentuent l’étrangeté de cette scène. Une grande réalisation dans la lignée des chefs d’œuvres d’Hitchcock.

 

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Le scénario est très librement  inspiré du roman éponyme de Patricia Highsmith. De nombreuses discordes sont apparues entre Hitchcock et Raymond Chandler, qui n’aimait pas les idées du réalisateur, durant l’écriture ce qui amena au remplacement de ce dernier par Czenzi Ormonde.

 

Grand classique du maître du suspens, L’Inconnu Du Nord-Express est un des films les plus riches du réalisateur et des plus ambigus grâce à une superbe mise en scène, une histoire intelligente et un Robert Walker diabolique.

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